Bourse : 4 Raisons de ne pas acheter des actions biotech
Quand on commence l’investissement en bourse et qu’on se met à chercher des titres performants, on finit tôt ou tard par se rendre compte que tous les jours ou presque, certains titres prennent 10%, 20% ou 30% alors que l’indice lui peine à offrir 2 décimales.
Ces titres, dont les noms ressemblent à des médicaments pour robocop sont bien souvent ce qu’on appelle dans le jargon boursier des « biotech » : des entreprises faisant de la biotechnologie.
Acheter des actions biotech est fortement tentant quand on voit leurs performances quotidiennes et qu’on se dit qu’une startup naissante qui cherche à faire des médicaments basées sur les derniers progrès technologiques ne doit pas être une mauvaise idée.
Sommaire
Qu’est ce qu’une biotech?
Avant de vous expliquer en quoi c’est une très mauvaise idée pour l’investisseur particulier d’acheter des actions biotech, commençons par définir concrètement ce qu’est une biotech et quel est son business model.
Une biotech c’est une startup technologique avant tout, qui va utiliser des techniques innovantes voir avant-gardistes pour développer des médicaments.
J’espère que cette fois ça va marcher, sinon on va méchament casser le support weekly…
Modélisations informatiques, nanotechnologies, nouvelles molécules, bref tout ce que les laboratoires pharma classiques considèrent la partie trop risquée pour faire partie de leur R&D.
Une fois que la biotech a suffisamment avancé dans la conception théorique de sa solution (un médicament) elle doit passer ce dont on a beaucoup entendu parler récemment avec le covid : les phases de développement, il y en a 3.
Il s’agit concrètement de tester le médicament sur des populations de plus en plus nombreuses et de mesurer l’effet qu’à ce médicament par rapport à un échantillon témoin ayant reçu une dose placebo.
Si le médicament octroyé aux patients donne un résultat statistiquement significatif (khi2, p>99%) alors la biotech a théoriquement le droit de commercialiser son produit, soit directement (rare) soit avec un partenariat / en se faisant racheter par une big pharma comme Pfizer, Sanofi…
Oui car produire en masse, commercialiser avoir les bonnes chaines de distributions à travers le monde est complexe et hors de portée de nos chères biotechs qui ont besoin des big pharma.
De leur cotés, les gros labos sont ravies d’avoir un produit tout prêt à commercialiser, sans avoir eu à gérer toute l’incertitude et les échecs des phases de développement, et surtout en s’étant évité des années de recherches « pour rien ».
Pour une description plus détaillée de ce que sont les biotechs et de leur modèle, je vous conseille l’excellente vidéo de Zonebourse sur le sujet :
Voilà, c’est sans trop rentrer dans les détails afin de rester accessible le cycle de vie d’une biotech et son business modèle : vous pouvez les voir en quelque sorte comme le département de R&D externalisé des big pharma.
Et quiconque ayant déjà travaillé dans la R&D sait ce que ça implique…
Faut-il acheter des actions biotech ?
Tout d’abord je tiens à préciser que ce je vais dire ici n’est que mon avis personnel, fruit de mon expérience et de ma réflexion et ce n’engage que moi.
Je vous invite donc avant tout à vous faire votre propre analyse et ne pas considérer mes propos comme des faits ou des vérités absolues, c’est mon analyse mais vous avez tout à fait le droit de penser l’inverse 🙂
Je ne cherche pas non plus à dénigrer le travail fait par les biotechs ni leur utilité, mon point de vue est uniquement celui d’un investisseur qui évalue ses opportunités.
Ceux qui me suivent sur twitter le savent déjà, mais pour répondre aussi brièvement que possible à la question de savoir s’il faut acheter des actions biotech : la réponse est selon moi clairement :
NON
1. Les biotechs : 3 niveaux de risque combinés
Ceux qui ont fait des études de finance et se sont spécialisés dans les marchés financiers ont rapidement vu la notion de décision rationnelle et d’évaluation du risque.
Avant d’acheter des actions biotech il faut donc être conscient que celles-ci exposent l’investisseur à 3 niveaux de risque ce qui est unique, car on s’arrête d’habitude au niveau 2.
Si on peut débattre d’inclure le 3ème niveau de risque dans le 2, je préfère personnellement le laisser séparé pour bien l’analyser.
1. Le risque du marché
A chaque fois que vous acheter des actions biotech ou de n’importe quelle entreprise, vous vous exposez au risque du marché dans son ensemble : quand le covid apparait en mars 2020 le marché entier à chuté pendant plusieurs jours, quelque soit vos titres.
C’est donc une règle générale, dès que vous achetez des actions vous êtes exposé au risque du marché dans son ensemble : une épidémie, une guerre, ou pire une remontée des taux directeurs (lol) entrainent le marché dans son ensemble vers le bas.
2. Le risque idiosyncratique
Ce mot savant désigne simplement le risque lié non pas au marché en général mais à votre titre en particulier.
De mauvais résultats, mauvais management, une augmentation de capital impliquant une dilution des actionnaires, un badbuzz sur internet (#BoycottXYZ) une dégradation des notations ou des recommandations d’achat…
Remplacer « Solution » par « Actionnaire ayant acheté des biotechs »
Tous ces risques (et j’en oublie) sont inhérents à votre titre et sont liés au risque du secteur en général (techs vs bancaires par ex) mais aussi du type d’actions (croissance ou value) mais qui dépendent de l’entreprise elle-même et de ses choix.
Acheter des actions biotech, de même qu’acheter n’importe quelle action vous expose donc non seulement au risque du marché dans son ensemble, mais également au risque particulier sur ce titre.
3. Le risque spécifique au modèle biotech
Jusque là, rien de différent en somme entre LVMH et une biotech mais la grosse différence se situe au niveau du modèle de fonctionnement même des biotechs.
Une biotech c’est un département de R&D, c’est à dire une machine à bruler du cash à tester des choses, à expérimenter avec des taux d’échec énormes et un bilan comptable négatif pendant toute sa durée de vie.
Impossible donc de regarder un PER, voir si les bénéfices augmentent, si la boite a de nouveaux clients ou ses leur feedback est positif puisque par définition, un biotech est un incubateur qui n’a encore rien commercialisé (il y a des exceptions, mais très rares surtout sur le marché Français)
Impossible également de comprendre ce qu’on achète : par définition là aussi, on fait confiance à une boite qui dit avoir une solution « miracle » mais dont la recette est évidemment tenue secrète (et c’est normal)
Quand bien même tout serait public, il faut des compétences très pointues et une capacité à être critique et évaluer les chances de succès de tel ou tel médicament afin de pouvoir gérer son risque.
C’est tout simplement impossible pour un investisseur sauf à être soi-même docteur en biologie et avoir une vue holistique de ce que font les concurrents : bonne chance.
Synthèse du risque : extrême et surtout incontrôlable
Si on analyse donc le risque lié aux entreprises de biotechnologie dans leur ensemble afin de savoir s’il faut ou non acheter des actions biotech, on se rend compte que le niveau de risque est tout simplement extrême.
Le risque du marché, on n’en parle pas : c’est le même quelque soit le titre sur un marché donné.
Le risque idiosyncratique : très élevé puisqu’on parle de micro / small caps très jeunes, sans historique qui n’ont aucun revenu, crament du cash sur des espoirs, font des augmentations de capital…
Le risque du modèle biotech : énorme là aussi car aucune visibilité ni prédictibilité d’aboutissement des recherches ni de leur timing, pas de feedback utilisateurs, pas d’analyse possible des résultats financiers ou des tendances des ventes : la boite noire par excellence.
2. Les biotechs en bourse : Un jeu à gratter
Si le parcours en bourse de la française des jeux est jusque là très intéressant, celui des biotechs est lui à l’opposé.
Et c’est tout simplement normal et prévisible : ce n’est pas parce qu’elles ne font pas de résultats ou à cause du marché que les biotechs baissent, c’est inhérent à leur fonctionnement expliqué plus haut.
Quand une boite n’a pas de revenu et ne fait que cramer du cash pour financer son cout de fonctionnement il est normal que sa valorisation baisse en permanence, jusqu’à ce qu’une nouvelle viennent accélerer la baisse ou au contraire fasse prendre 200% au titre.
Une biotech, c’est indispensable de le savoir quand on veut acheter des actions biotech en bourse ça fonctionne uniquement sur de la news.
En somme, une biotech crame du cash pendant de longues périodes de recherches (son cours baisse lentement mais longtemps) et puis au bout d’un moment tombe une news :
- Si elle est positive (passage d’une phase 1 à une phase 2 ou 3, rachat ou partenariat avec une big pharma…) : le titre s’envole d’un coup car le marché price une information jusque là inexistante.
- Si elle est négative (abandon, dilution…) : en plus d’avoir perdu 80% pendant 2ans, la boite va perdre encore 80% de ce qui restait.
On a donc affaire à un comportement binaire, un pile ou face qui va à contre sens du travail que doit mener l’investisseur.
Notre travail en tant qu’investisseur est de rechercher des constructions, des mouvements qui ont du sens et prendre des positions avec un plan et des convictions, pas jouer à pile ou face.
Acheter des actions biotech revient donc à acheter un ticket de jeu à gratter ou les chances de perdre votre mise est très forte et ou il y a une toute petite chance non prévisible ni anticipable de gagner gros.
3. Acheter des actions biotech : l’enfer technique
Si cela ne vous a pas encore convaincu qu’acheter des actions biotech est une mauvaise idée si vous êtes un investisseur sérieux et non un joueur de casino, voilà un troisième argument : celui de l’analyse technique.
L’analyse technique permet de ne pas acheter un titre au hasard mais de rentrer en optimisant ses chances de gain et est tout simplement indispensable à moins d’avoir des horizons de placement de plusieurs années.
Or, faire de l’analyse technique sur une biotech c’est (certes pas impossible) mais tout simplement un enfer.
- Les biotechs sont extrêmement volatiles
- Les niveaux de supports & résistances sont très rarement respectés
- Ca mèche dans tous les sens, vient chasser les stop loss
- Les mouvements sont très violents (beaucoup d’algos) et ne laissent pas le temps de réagir à temps
- Beaucoup de slippage (exécution à des niveaux supérieurs)
- Enormément de gaps à la baisse qui explosent vos pertes et vous metent en difficulté psychologiquement et financièrement
- 99% de spéculateurs qui n’ont rien à faire du titre et sont là sur du très court terme : ne comptez pas sur du soutien ou un mouvement de fond.
4. Acheter des actions biotech : Gros risques & petits gains
Mais surtout, le point le plus important pour moi d’un point de vue technique c’est le ratio risque / temps / gain en capital est très mauvais.
A moins d’avoir beaucoup de chance, placer un stop loss est très compliqué en raison de la violence des mouvements et de la volatilité, on se retrouve donc avec de micro tailles de position (stop éloigné)
Donc concrétement, même si on fait 40% dans la journée cela se fait sur un petit capital et ne rapporte au final pas grand chose d’un point de vue de la valorisation.
Je préfère personnellement faire 4% sur une bonne taille de position que 40% sur des cacahuètes ! Ce qui compte c’est le capital, pas la perf !
Bref, tout ce que je viens de dire là fait que l’analyse technique d’une biotech :
- A peu de sens et est souvent trompeur
- Est très difficile et demande énormément d’attention, de temps
- Donne des résultats importants en % mais faibles en valorisation
Acheter des actions biotech revient selon moi à investir beaucoup de temps et d’énergie afin d’avoir de grosses probabilités de perdre beaucoup et de petites probabilités de gagner très peu.
Conclusion : acheter des actions biotech c’est le casino en moins bien
Les marchés financiers comptent en leur sein 2 types d’intervenants : des professionnels dont c’est le métier et qui abordent l’investissement de manière sérieuse et durable dans le temps et les gamblers.
L’investisseur particulier (oui, vous) doit pour réussir en bourse, adopter les réflexes, méthodes et stratégies des premiers et évacuer fuir, bannir le comportement des seconds.
Que des fonds spéculatifs consacrent 0,001% de leurs fonds à faire joujou via des algos ne vous trompe pas : investir / trader les biotechs c’est faire partie de la catégorie des gamblers, ces joueurs fous qui sont à la recherche de sensations et ont un problème avec leurs émotions.
Personne n’est parfait, et le discours que je tiens ici je l’ai appris à mes dépends après avoir payé le prix du « je ne suis pas comme les autres, je vais y arriver » ou « il suffit de savoir les sélectionner »…
Acheter des actions biotech en bourse c’est acheter un ticket de loto, un jeu à gratter, un truc avec une chance sur 100 de réussir et 99% d’échouer : ce n’est pas de l’investissement mais du jeu.
Le conseil du capitaine : Si vous voulez jouer, allez à Deauville !
La plage est sympa, la bouffe est bonne et le casino vous permettra d’exprimer votre envie de jouer. Tant qu’à jouer autant le faire dans un contexte sympa et agréable !
Pour les autres, les investisseurs sérieux : acheter des actions biotech est une erreur stratégique, statistique, patrimoniale majeure.
Si vous n’êtes pas d’accord avec mon analyse, faites-le moi savoir dans les commentaires et discutons-en puisque le débat contradictoire quand il est argumenté est une source de progrès pour tous !